Une plaie universelle, jamais refermée….
Quarante ans. Cela semble irréel, et pourtant.. Si cet article s’adresse surtout aux plus de cinquante ans – car ils auront eu la chance de voir évoluer « en direct » celui dont on va parler, en réalité, il peut, et doit, interpeller tout le monde, y compris et surtout les nouvelles générations, pourvu qu’elles soient porteuses de saine curiosité et de rejet de toute forme d’ombre, quel que soit le sujet.
Au tout début des années quatre-vingts, un producteur de télévision, Jacques Antoine, fan de voyages lui-même et à l’imagination sans limites dès lors qu’il s’agissait de créer un divertissement culturel, échafaudait le concept de « La chasse au trésor » – qui deviendra vite « … aux trésors », un concept qui perdure encore aujourd’hui, animé par Cyril Féraud.
En 1980, avec les moyens techniques de l’époque (et des magiciens pour les mettre en œuvre), il fallait au producteur trouver une « forte » personnalité pour jouer le premier rôle de ce jeu, qui allait enflammer les téléspectateurs francophones en seulement quatre saisons.
Ce « Tintin des temps modernes » – puisqu’on les compara ainsi un jour – ce serait Philippe de Dieuleveult. En réalité, il n’était pas totalement inconnu puisque, dans une autre émission née au milieu des années soixante-dix, « La course autour du monde », il se révéla. Cette émission, qui a construit nombre de journalistes, avait pour but de « lâcher » de futurs « journalistes-cameramen » sur la planète, afin qu’ils ramènent de leurs périples des images inédites.
Philippe de Dieuleveult y ayant particulièrement attiré l’attention, il passera les « tests » pour « La chasse au trésor », les réussira et… entre 1980 et 1984, accompagnera les téléspectateurs francophones durant 108 émissions, tout autour du monde. Une belle route venait de s’ouvrir pour cet homme qui, visiblement, réussissait tout ce qu’il entreprenait, et qui n’avait peur de rien. Son credo : témoigner. Partout où il le pourrait.
La saison 5 de « La chasse aux trésors » ne verra jamais le jour. Pour « raisons techniques ». Mais Philippe de Dieuleveult ne s’arrête pas pour autant. Un livre (« J’ai du ciel bleu dans mon passeport »), une société de production (« Passeport bleu ») et un nombre incalculable de sujets à réaliser qui se bousculent dans sa tête. Il a du pain sur la planche…

Dès 1985, il va être contacté pour participer (et servir de caution ?) à une expédition sur le fleuve Zaïre (ex-Congo), baptisée « Africa-Raft ». Mais si la préparation de cette expédition, à l’époque, est discrète, son épilogue, lui, va défrayer la chronique dès le mois d’août de cette même année, et attend encore son point final.
Quiconque veut s’en donner la peine peut aujourd’hui trouver trace des évènements, et de l’accident, qui se sont déroulés le 6 août 1985, du côté du barrage d’Inga, au Zaïre. « Accident » est employé ici à dessein, car, en regard de la dangerosité extrême de ce projet humain, ils sont nombreux à avoir conclu qu’il ne pouvait s’agir d’autre chose. Très nombreux… pourtant, très vite, certains n’ont pas adhéré à cette thèse d’une simple disparition dans les flots qui, si elle semble acquise pour une partie de l’expédition – qui regroupait deux embarcations – pose question pour l’autre. Des zones d’ombres sont nées, portées en leur temps par des hommes malheureusement disparus aujourd’hui.
Jean de Dieuleveult est le frère de Philippe. Un de ses frères car ils sont sept. Militaire de carrière, avec la tête bien posée sur ses épaules, il ne rejoint pas le flot des partisans de l’accident.
Il n’y croit pas un seul instant et la quête qu’il va entamer très vite ne le fera jamais dévier.
Patiemment, mais avec acharnement, il va essayer de remettre en place ce puzzle horrible qui lui a pris son frère, peut-être à l’époque la personnalité préférée des Français. Mais cette quête l’usera et, à bout de ressources – sensation d’impuissance ? – Jean de Dieuleveult, qui ne supportait pas le mensonge et l’injustice, choisira d’abréger sa propre vie, après trente années de recherches…
« Noyade d’État » est le livre de son fils, Alexis. Le neveu et filleul de Philippe. Un témoignage fort, qui réunit tout le travail d’un père (d’un frère), notes et documents à l’appui, et dont le seul but était de rendre hommage au combat de son père Jean et « d’assurer une vérité », quelle qu’elle soit. Car tout a été imaginé, et posé, dans cette affaire : l’accident, la bavure, l’assassinat… des tentatives d’explications exacerbées par la personnalité même de Philippe de Dieuleveult dont la disparition, en 1985, n’était acceptable par personne. C’était tout simplement inimaginable. Une certitude pour Jean et Alexis, Philippe n’est pas mort noyé dans les rapides d’Inga, ce 6 août 85.

40 ans plus tard, le dossier n’est donc toujours pas refermé. Dans les pas de son père, l’un des trois enfants de Philippe est, lui aussi, reparti en 2005 sur les lieux du drame – le barrage d’Inga – pour tenter de comprendre.
D’autres encore essaieront d’apporter une lumière sur cette affaire, ne serait-ce qu’en mémoire de cet homme qui flirtait, à l’écran, avec l’invincibilité…
Alexis de Dieuleveult, lui, continue sa quête. Et lui non plus n’abandonnera pas. Et gageons que, parmi les quinquas, ou les sexagénaires anonymes de l’espace francophone, beaucoup aimeraient voir sa quête aboutir. Car tous gardent en mémoire un animateur, journaliste, cameraman, aventurier… et officier de réserve qui voulait avant tout porter, au travers de son travail de témoignage, nombre de valeurs qui font peut-être défaut aujourd’hui…
Alexis de Dieuleveult a accordé un entretien à Itinéraires 26 le vendredi 21 juillet 2023. Qu’il en soit ici remercié. C’est un homme sûr de son fait qui nous a ouvert les portes de ce dossier toujours brûlant, car dans son esprit, aucun doute ne subsiste. Même si, du côté « officiel », persiste un sentiment de ne pas tout révéler…
Itinéraires 26 : « Alexis, 40 ans après les faits, votre volonté de voir ce dossier aboutir vraiment est toujours intacte… »
Alexis de Dieuleveult : « La vérité est plus forte que le mensonge ! Ce dossier s’éclaircit et je comprends pourquoi tout cela s’est mal terminé… Je me suis rendu à Kinshasa en R.D.C en ce début du mois d’août 2023. C’était important d’aller sur place et d’être présent sur le site d’Inga.
Mes investigations continuent. Vous savez « officiellement » personne ne veut reconnaître la réalité les faits : le silence est d’or … Par contre, en « off », certains parlent, s’expriment et valident mes écrits, mes accusations. Un ancien conseiller de Mobutu m’avait dit en 2020 : « Avec votre livre, vous allez réveiller des chats qui dorment … » Bien que vieille de presque 40 ans, cette affaire reste toujours sensible, mes différentes démarches auprès des autorités françaises me le montrent à chaque instant.
Je reste confiant sur la finalité de mon combat. »
It.26. : « Qu’est-ce qui vous motive sur cette voie, avant tout ? »
A. de D. : « La même chose qui avait frappé mon père Jean lorsqu’en 1985, très vite après le drame, il a décidé d’enquêter sur cette disparition : la gêne flagrante des militaires français face à ce cas, et ce d’entrée. Une noyade accidentelle est un drame qui se produit malheureusement souvent dans le fleuve Congo (ex-Zaïre) mais ça n’a jamais plongé personne dans un mutisme absolu, tel que celui que mon père a rencontré. Le vice-consul de France à Kinshasa, Michel Dupin, l’a très mal reçu. Sa présence et ses recherches semblaient « déranger ». Jean n’a jamais cru à la mort accidentelle de son frère. N’oubliez pas la déclaration de l’amiral Lacoste (en 2005) qui a clairement évoqué une « bêtise des militaires zaïrois » qui aurait conduit à un « assassinat » de Philippe … Puis quelques années plus tard : « La thèse de la noyade n’était pas crédible et que la réalité était tout autre ». Je vous rappelle que Pierre Lacoste était le patron de la D.G.S.E de 1982 à 1985. Je pense qu’il savait de quoi il parlait…
Mais était-ce vraiment une « bêtise » ? Je ne le pense pas. Les militaires zaïrois ont réagi comme n’importe quel pays aurait réagi devant une menace d’attaque. (Surtout avec des hommes venant du fleuve ! Personne ne vient par le fleuve !). Faute d’informations, d’autorisations, il était de leur devoir de protéger ce site stratégique. Leur réaction était prévisible. L’ambassade de France avait-elle fait le nécessaire pour protéger ses ressortissants dans ce contexte géopolitique ultra-sensible ? Une certitude : l’ambassade de France a activement participé à camoufler cette affaire. »
It. 26. : « Quid » du témoignage de cet ingénieur zaïrois, qui affirmait avoir aperçu des « hommes blancs débarquer » ? »
A. de D. : « Son témoignage a été discrédité. Il a affirmé d’abord avoir vu trois hommes blancs débarquer, portant des sacs jaunes – comme ceux que l’expédition utilisait. Par la suite, l’éloignement de sa position d’observation, par rapport à celle de ce débarquement, a laissé des doutes sur cette vision. Des hommes blancs… ou noirs… on ne savait plus. Mais, en revanche, ce que l’on sait peut-être moins, c’est le témoignage de trois techniciens, qui étaient descendus au bord du fleuve. Ils ont affirmé avoir vu débarquer trois hommes blancs (témoignages rapportés au médecin lieutenant-colonel Dechazal). Je me suis rapproché de la rive le 5 août 2023 à cet endroit précis du fleuve ! La largeur du fleuve n’est pas si grande à cet endroit précis et la distinction entre un blanc et un noir ne fait aucun doute pour moi depuis la berge. Un ingénieur américain, Stephen Allen (qui était situé sur les hauteurs du barrage Inga 2) a vu arriver à vive allure des camions militaires, chargés de soldats armés, qui se sont déployés pour « mettre en joue en direction du fleuve » – en réalité vers un bateau qu’on leur avait désigné, contenant trois personnes. « Noyade accidentelle » affirme le gouvernement français ?

It. 26 : « Le cas de Guy Collette, le seul (vrai) corps retrouvé, n’a-t-il pas confirmé la thèse de l’accident ? »
A.de D. : « Le cas de Guy Collette est effectivement troublant mais je pense qu’il ne m’appartient pas de commenter plus avant la découverte de ce corps : cela regarde sa famille belge. J’ai, tout de même, une idée bien arrêtée, sur ce sujet-là, précisément… Et rappelez-vous que cette expédition se composait de DEUX rafts et il n’y a malheureusement aucun témoignage concernant le « Godelieve », où se trouvait Guy Collette – par contre il y a plusieurs témoins oculaires concernant le raft « Françoise » qui a bien passé les rapides. Quand bien même, les quatre occupants du « Godelieve » se seraient noyés : où sont les corps ? Un détail, en passant : le corps de Guy Collette a été reconnu grâce à un bijou, une chaîne en or. En revanche, les rapports d’autopsie ne font état d’aucune alliance retrouvée sur ce corps ! (Guy Collette portait une alliance en or blanc gravée). Voilà donc un fleuve aux remous si forts qu’ils enlèvent une bague d’un doigt, mais épargnent une chaîne ?
De plus, les examens de la dentition de ce corps par un médecin militaire, le capitaine Daude, (« dentition saine sans signes de soins ») ne correspondaient pas à celle de Guy Collette ! Suite à ces incohérences troublantes, mon père demandera à la justice en 2001 l’exhumation du corps pour un test ADN. La science sera alors formelle : il s’agit bien de Guy Collette. Cause de la mort, noyade.
Mon père acceptera ce verdict scientifique qui confirmera l’identité du corps mais ne pourra s’empêcher de penser au fond de lui-même : « Dans les affaires d’État, la science est-elle indépendante du pouvoir ? ».
Souvenez-vous, il y a eu deux « rescapés » ce jour-là, qui n’avaient pas embarqué le matin même à bord des rafts depuis l’île aux Hippopotames : Jean-Louis Amblard (qui avait rejoint l’expédition tardivement à Kinshasa) et François Laurenceau (ami d’enfance de Philippe). Pourquoi, lorsque l’armée zaïroise les a récupérés au niveau du barrage d’Inga 1, leur a-t-on dit : « Si vous avez entendu des coups de feu, nous n’y sommes pour rien ». Puis de leur faire signer, avant leur départ du pays, une déclaration comme quoi ce jour-là, ils n’ont rien vu et surtout pas entendu de coup de feu !
Pourquoi cette « précaution » ? »
It. 26 : « Votre sentiment, sur la version d’Okito Bene Bene, qui affirme avoir vu votre oncle (et les autres) abattus sous ses yeux ? »

A. de D. : « A l’époque, Okito Bene Bene faisait partie des Services secrets zaïrois. Il est décédé aujourd’hui, et personnellement, je ne l’ai jamais rencontré. Mais mon père, lui, l’a rencontré à deux reprises. Okito Bene Bene avait demandé l’asile politique en Belgique, et il a attendu, avant d’écrire son livre.. qu’il a peut-être un peu romancé sur les bords… Mais mon père avait acquis la conviction que « le fond » de ses déclarations était authentique… »
It. 26. : « On parle aussi beaucoup de télégrammes, dans cette affaire… »
A.de D. : « Oui. Les autorités zaïroises avaient été informées, par télégramme, d’une menace d’attaque sur le barrage d’Inga par des « mercenaires ». Une alerte envoyée depuis Paris vers Kinshasa. Ce message de menace d’attaque imminente sur le barrage envoyé par un service « ami » (français) mettait directement en danger l’expédition Africa-Raft ! Christian Prouteau (Fondateur de la cellule anti-terroriste de l’Élysée) confirme l’envoi de ce message par les services français. Les expéditeurs (ou l’unique expéditeur) de ce message ne pouvaient pas ignorer la présence d’Africa-Raft sur le fleuve Zaïre … Volonté de nuire ou triste coïncidence ?
Les aventuriers d’Africa-Raft pensaient avoir pris toutes les précautions possibles quant à leurs autorisations. Une lettre (datée du 2 août 1985) de la S.N.EL (Société Nationale d’Électricité), propriété des barrages d’Inga, précise bien l’autorisation pour les membres d’Africa-Raft de visiter le barrage. Les noms de chacun des membres d’Africa-Raft figurent sur cette lettre. Une lettre qui précise : « Sous réserve de l’accord de l’A.N.D » (Agence Nationale de Documentations), les services de renseignements secrets zaïrois. Les services secrets ont-ils donné leur accord ? Pour comprendre la situation, Il est important de savoir que de nombreuses unités bien distinctes sont présentes sur le site d’Inga : armées, gendarmerie, police, service de renseignement … Étaient-ils TOUS informés du passage d’Africa-Raft ? Une certitude, le 5 août au soir, le barrage était en alerte maximale et se préparait à une attaque imminente par un groupe de mercenaires … Africa-Raft se trouvait alors aux portes d’Inga et campait sur l’île aux hippopotames … Le lendemain 6 août, Africa-Raft disparaît …
It. 26. : « La parution de votre livre, « Noyade d’État », vous a-t-elle ouvert des portes officielles, en France ? »

A.de D. : « En juin 2021, le Chef de Cabinet militaire de Florence Parly – Ministre des Armées, le Général de division aérienne Mandon, m’a reçu (Aujourd’hui le Général est le chef d’État Major particulier du Président de la République). Sa réponse à mes interrogations a été claire : « Il n’y a pas le moindre doute dans cette affaire qui ne puisse alimenter une autre thèse que celle de l’accident liée à la nature : ne cherchez pas autre chose. » Vous vous doutez bien que cette « non-réponse » ne m’a pas convaincu. J’ai donc réécrit à la Ministre, et un second rendez-vous m’a été accordé, avec, cette fois, un Colonel du « Bureau Réservé », qui d’ailleurs, était présent lors du premier échange aux côtés du Général au ministère et qui m’avait dit à trois reprises : « L’État ne ment pas ». Lors du second rendez-vous, le ton avait changé : on m’a fait comprendre que les propos du Général étaient « excusables » car, en réalité, « on ne savait pas ce qui s’était vraiment passé ». Ce jour-là, le Colonel m’a remis un document important : les états de services militaires de mon oncle Philippe. Une note manuscrite au stylo rouge disait : « Officier porté disparu – Voir dossier dans coffre d’AOR ». Un dossier existe donc bien aux armées … mais… le coffre… quel coffre ? Après plusieurs courriers adressés au ministères des Armées et à la DGSE, on ne m’a jamais répondu sur ce point …
J’ai alors saisi (en février 2023) la Justice, avec mes avocats, Me Jacques Trémolet de Villers et Grégoire Belmont afin de faire rouvrir une information judiciaire face à ces nouveaux éléments. Parmi les éléments nouveaux figurent entre autres les télégrammes de l’ambassadeur de France Claude Épervier à Kinshasa (d’août 1985). Télégrammes issus du C.A.D.N (Centre des Archives Diplomatiques de Nantes). L’ambassadeur y mentionne à plusieurs reprises l’hypothèse d’une bavure militaire … Un autre document important a été porté à la justice : l’acte de décès de Philippe ! Un corps sans tête, sans mains, sans sexe et sans extrémité de pieds a été repêché dans le fleuve le 6 septembre 1985 et a bien été identifié par Patrice Franceschi le 11 septembre à Kinshasa comme étant celui de Philippe de Dieuleveult ! Une volonté manifeste d’étouffer cette affaire avec un cadavre qui n’était en réalité PAS celui de Philippe de Dieuleveult ! Scandaleux et indigne ! Malgré tous ces éléments nouveaux, la justice répondra à ma plainte par un mail en date du 9 mai 2023 : « Le parquet de Paris considère qu’il n’existe pas de charges nouvelles justifiant la réouverture d’une information judiciaire ». Une réponse incompréhensible ! Le parquet de Paris ne veut pas examiner les archives découvertes de l’ambassade de France ni demander l’ouverture de ce fameux coffre aux armées qui renfermerait un dossier sur cette affaire et encore moins entendre Patrice Franceschi, signataire de l’acte de décès de Philippe. Visiblement, on a assez mis ce dossier en lumière… « Pas de vagues supplémentaires », ce qui, vous le comprenez bien, ne me satisfait pas du tout… La vérité, plus forte que le mensonge, l’emportera. »
Et maintenant ? Alexis de Dieuleveult va continuer (avec le soutien de ses oncles, Yves etHugues de Dieuleveult, les frères de Philippe) sa recherche de la vérité… jusqu’en 2027, année durant laquelle cette affaire sera « prescrite ».. Prouver que son oncle a bel et bien été assassiné, et on ne peut nier que nombre d’éléments vont dans ce sens, le libérerait. Cela aurait dû être déjà le cas pour son père, Jean. Alexis fait tout ça pour lui, aussi. Pour qu’il ne se soit pas battu pour rien. Il a maintenant entrepris une autre enquête, sur les « dessous » de l’expédition en elle-même : la véritable « raison cachée » d’Africa-Raft ! Qui sait si cette dernière ne réserve pas encore d’autres surprises ? Affaire à suivre…
Les droits d’auteur du livre « Noyade d’État » (Nouvelle édition complétée 2022 – éditions Balland) sont reversés au profit de l’association Aviation Sans Frontières.
Montélimar, juillet 2023
Africa-Raft : Suite et fin ? – Mars 2025
Nouveau rebondissement – et de taille – dans cette affaire qui mériterait tant un éclaircissement définitif, depuis autant d’années : au début de l’année 2025, très peu de temps après la sortie du livre « Noyade d’État », Alexis de Dieuleveult récidive, avec la parution, cette fois, de « Vérité sur une omerta ». Un point final ?
L’auteur nous a rouvert ses portes, avec l’empathie qui lui est coutumière. Il va apporter de nouveaux éclairages qui vont essayer de débrouiller un écheveau complexe, vieux de quatre décennies….
Entretien du vendredi 28 mars 2025 :
Itinéraires 26 : « Trois ans après « Noyade d’Etat », vous publiez « Vérité sur une omerta ». Qu’est-ce qui a motivé deux parutions aussi rapprochées ? »

Alexis de Dieuleveult : « Ce livre, c’est, avant tout, une réponse au Parquet de Paris. En 2023 en effet, avec mes avocats, nous avions demandé la réouverture d’une information judiciaire, pour « charges nouvelles ».
Dans ces termes, je fais référence, notamment, à des télégrammes, retrouvés dans les archives de l’Ambassade de France à Kinshasa.
Le Parquet nous a opposé une « fin de non recevoir ». Pour lui, il n’existait pas de « charges nouvelles ». Une décision que j’ai considérée comme scandaleuse…
C’est pourquoi, suite à ce revers, j’ai décidé de continuer ma propre enquête, sur place au Zaïre. Et plus particulièrement dans la région d’Inga, bien sûr.
J’ai pu, là-bas, rencontrer certaines des autorités locales, qui étaient en poste à l’époque. Notamment Édouard Mokolo Wa Mpombo, qui a été Ministre des Affaires Étrangères de Mobutu, Mr Atundu Liongo, qui était le patron des Services Secrets Extérieurs zaïrois, le Général Baramoto, Chef d’État-major des Forces Armées zaïroises (et beau-frère de Mobutu ) et enfin Mr Badibanga, qui a été Premier Ministre jusqu’assez récemment.
Toutes ces personnes, évidemment, avaient encore cette histoire très présente à l’esprit. Et je dois dire qu’aucun d’eux ne m’a opposé un quelconque démenti, lorsqu’ils ont pris connaissance de ce travail d’enquête que je mène depuis des années.
En R.D.C aujourd’hui, les personnes s’expriment beaucoup plus facilement sur cette affaire. Sans filtres.
C’est loin d’être le cas en France….

It. 26 : « Votre voyage au Congo, en 2023, aura été pour vous « éclairant ». Pouvez-vous revenir pour nous sur les points les plus importants, quant à votre enquête ? »
A. de D. : « Me rendre compte. Je voulais me rendre compte, sur place, du lieu bien sûr, mais aussi de certaines distances – notamment entre les rives du fleuve à divers endroits, et, à ce sujet, j’ai parfois constaté, avec surprise, que ces distances étaient parfois bien moins importantes que ce qu’on avait pu en dire à l’époque.
En revanche, je n’ai pu échanger, pendant ce voyage, avec aucun « témoin » ayant été sur place.
Si !… Le pêcheur, qui avait « récupéré » Jean-Louis Amblard et François Laurenceau, les deux amis qui, sur l’île des Hippopotames, avaient choisi de ne pas poursuivre la descente sur le fleuve…
J’ai vu ce passage particulier, devant « Inga II », à un endroit où, les rapides étant passés, le fleuve a retrouvé un semblant de calme. Le raft de Philippe est passé là. Mais il y avait aussi des militaires zaïrois sur le secteur.
Un ingénieur américain a vu très nettement les militaires mettre en joue le raft. C’est donc bien qu’il y avait quelqu’un dedans ! On ne met pas en joue une embarcation qui passe devant nous vide !
Je DEVAIS revenir physiquement là… C’était, pour moi, essentiel.
Et je répète que toutes les personnes que j’ai pu rencontrer au cours de ce voyage s’étonnent aujourd’hui de cette persistance à expliquer via une simple noyade la tragédie d’Africa-Raft.
En 2021, l’ancien Ministre des Affaires Étrangères Roland Dumas a, devant moi, admis et reconnu la présence de militaires à cet endroit-là, et à ce moment-là…
Et ça, c’était complètement nouveau ! Car en 1985, Roland Dumas a toujours défendu la thèse de la noyade… et des crocodiles. Son discours n’a, à l’époque, jamais varié. Mais là, j’entendais pour la première fois un autre son… »
It. 26 : « Vous nous informez sur un motif « inattendu » quant à l’organisation de ce « défi sportif ». Votre oncle aurait-il été entraîné sur un « faux-semblant » ? »
A. de D. : « Oui, c’est à peu près sûr. Je crois aujourd’hui avéré le fait qu’André Hérault a monté cette expédition dans le but de récupérer – dans les terres aux alentours d’Inga – un « magot ». Je reviens, dans mon livre, sur tout son parcours africain et chacun se fera son opinion.
André Hérault était quelqu’un qui parlait beaucoup. Et il avait confié à pas mal de personnes l’existence de ce « trésor ».
Notamment à Thierry Sadoun, l’organisateur de cette expédition.
Il est certain aussi que mon oncle Philippe ne s’entendait pas avec Hérault. Et ça s’est vu. Ça a joué sur son humeur des derniers jours, entre la fin du mois de juillet et le début août…
Philippe « attirait les projecteurs » dans cette expédition. André Hérault pouvait, lui, rester dans l’ombre, et cela devait plutôt le satisfaire… »
It. 26 : « Pourquoi, selon vous, les autorités françaises jouent-elles toujours la « carte du silence », quarante ans plus tard ? Reconnaître la vérité serait-il « risqué » ? »
A. de D. : « Ce qui est certain, ce qui m’a bien été confirmé, c’est que, quelques temps avant sa disparition en 2024, Roland Dumas a envoyé un courrier spécifique au Président Emmanuel Macron.
Mais ce courrier est resté lettre morte…
Autant je reçois une certaine reconnaissance pour cette quête que j’ai entamée, du côté zaïrois, autant, du côté français… rien ! Cette affaire implique réellement deux pays : le Zaïre et la France. Et, selon moi, si « les coups de feu » ont été zaïrois, c’est bien en France que la responsabilité première de tout cela se trouve…
Cette expédition devait être stoppée. Mais attention, quand je dis « stoppée », ça ne voulait pas dire « par des tirs » ! L’histoire personnelle d’André Hérault devait gêner, quelque part, et puis, il y avait aussi le reportage que Philippe, après la fin de l’expédition, s’apprêtait à faire sur les opposants à Mobutu. Ça aussi, ça devait gêner !

Alors… qu’ont-ils vraiment voulu stopper ? Et puis, n’oublions pas que nous étions sur le continent africain, au milieu des années quatre-vingts, et dans une période géopolitique plutôt troublée… Les hommes, les militaires, devaient être en tension maximum. Et même s’il n’entrait pas dans leurs intentions de tuer, ils ont tiré…
Et les survivants auront payé le prix de la bavure… »
It. 26 : « « Ce livre achevé, avez-vous encore des attentes, ou bien ce dossier est-il clos maintenant, pour vous ? »
A. de D. : « Pour moi, ce dossier n’est certainement pas clos. Il le sera lorsqu’un acte politique, ou judiciaire, reconnaîtra que les familles – et beaucoup de descendants des autres membres de l’expédition reconnaissent le bien-fondé de ma démarche aujourd’hui, et sont derrière moi – avaient raison, dès le premier jour…
Mes oncles Yves et Hugues, les seuls survivants de cette fratrie de sept garçons, sont à 200 % à mes côtés. Eux aussi se sont battus, en leur temps, tout comme mon père.
Il y aura toujours des pistes de recherche à explorer. Et bien sûr, je m’y emploierai.
Je ne peux pas et je ne veux pas baisser les bras. Tout comme mon père qui, pendant trente ans, a combattu cette injustice.
Sept familles sont encore impactées par cette affaire. Elles méritent une VRAIE réponse… »
Propos recueillis le vendredi 28 mars 2025.
On ne peut que rendre hommage à Alexis de Dieuleveult. Pour sa pugnacité, pour son courage aussi, face à des « montagnes » difficiles à faire bouger…
A Itinéraires 26, on est derrière lui. C’est le moins que l’on puisse faire, pour rendre à son oncle Philippe de Dieuleveult un peu de reconnaissance pour toutes ces valeurs que – trop courtement – il nous aura montrées au cours d’un simple jeu télévisé.
Un jeu qui aura fait de lui un « héros des temps modernes »…

Crédits photos : Jean-Luc Grandvallet, Jean de Dieuleveult, Alexis de Dieuleveult, M.M









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