Valérie Guérin-Descouturelle


« Jouer de la musique classique, mais pas de façon classique… »

Dans la chaîne d’amitié qui est le « fil rouge » de ce site, nous remercions la metteure en scène Geneviève Brett, qui nous a permis de faire cette belle rencontre avec une pianiste de grand talent, Valérie Guérin. Découverte….

Itinéraires 26 : « Valérie, où ta route va-t-elle commencer ? »

Valérie Guérin : « Je suis née à Somain, dans le département du Nord. Mais, en fait, je vais grandir à Nancy…

Une famille qui a toujours été très friande d’art. Ma mère était institutrice, mais elle chantait très bien… mon père était scientifique, et maître de conférence. Il aurait bien voulu jouer de la clarinette, mais, dans sa famille, il fallait jouer du violon… ce qui ne l’a pas rendu heureux…

En résumé, lorsque j’étais petite, nous écoutions beaucoup de musique classique, mais pas que, puisque nous allions très souvent assister à des concerts, ou d’autres spectacles…

Quant au piano… il est arrivé très tôt, à la maison. J’avais quatre ans et demi… mais je me souviens très bien de cette arrivée ! Mon frère, de trois ans mon aîné, devait être le destinataire de cet instrument, mais, en réalité, il n’en fera pas grand-chose…

Mais moi…

Extrait de « Ah ! L’amour… », avec C.Gégauff et D.Thivet

Ma première professeure particulière, Madame Artigue, enseignait à Nancy. Je resterai huit ans sous sa houlette, avec joie, car elle était une professeure excessivement gentille qui, professionnellement, m’aura beaucoup apporté. Ce sera elle qui me préparera à l’entrée au Conservatoire de Nancy… »

It. 26 : « Que tu vas intégrer à quel âge ? »

V.G. : «  J’y entre pour mes treize ans… et là, je vais découvrir que j’ai « l’oreille absolue ». Très vite, on s’est rendu compte que j’avais beaucoup de facilités à écouter les notes…

Je suis donc en classe « piano classique », qui m’offre une ambiance très sérieuse.. Nancy, c’est un Conservatoire à Rayonnement Régional da,s lequel je vais rester cinq ans.

J’étais dans la classe de Gaston Bollen, un excellent pianiste, mais un peu moins bon professeur ! Comme j’ai coutume de dire, « avec lui, ça passe ou ça casse ! ».. et moi, en l’occurrence, ça a cassé.. puisque j’ai récolté une belle tendinite au bras droit !

Ce qui ne m’empêchera pas de jouer pour l’obtention de mon Bac technique « Musique »…

It. 26 : «  Et puis, tu mets le cap sur Paris… »

Représentation de « Wanted Marguerite » dans une classe – Septembre 2024

V.G. : « Oui. Je suis en effet partie à Paris, où je vais intégrer le Conservatoire de Paris VI. André Krust y était professeur. Un homme extraordinaire, un très grand pédagogue, spécialiste de Robert Schumann.. J’ai eu beaucoup de chance de l’avoir pour enseignant..

Dans le même temps, je m’étais inscrite à la Sorbonne, en musicologie. Avec une interrogation, qui me taraudait : allais-je réussir en tant que pianiste ?

L’ambiance, dans ce Conservatoire, était presque familiale. Je vais assez vite intégrer l’ensemble vocal, car oui, je chantais aussi, j’ai toujours aimé chanter.

A la Sorbonne, j’étais dans les chœurs de Jacques Grimbert, et nous nous produisions dans le grand amphithéâtre de ce lieu magnifique…

Comme tu peux t’en douter, j’ai beaucoup aimé cette formation très large, très complète. Concernant le chant, tout de même, je confesse que je ne possède pas une technique vocale suffisante pour m’instaurer « chanteuse »…

Le Conservatoire de Paris VI et la Sorbonne vont donc se côtoyer. Pendant trois années, au bout desquelles je passerai ma licence en musicologie…. »

It. 26 : « Et puis, puisque tu avais la chance d’avoir un professeur génial… »

V.G. : «  C’est vrai. Je vais suivre, après ces trois ans, André Krust au Conservatoire de Montreuil.. où j’obtiendrai un Prix, en six mois ! J’y fais aussi un tutorat , je donnerai là-bas mes premiers cours de piano, coachée par André Krust.

En parallèle, je suis entrée au C.N.S.M de Paris, en « Histoire de la musique », en cycle court ( de deux ans ). Brigitte François-Sappey y est ma professeure – encore une belle chance pour moi – et elle m’apportera, elle aussi, énormément.

Au C.N.S.M, l’enseignement sera très riche, et mon bagage s’étoffera fortement.

Pour le piano, je vais rejoindre aussi la classe de Martine Joste, au Conservatoire du Blanc-Mesnil. Martine est spécialiste de musique contemporaine, et c’est aussi une grande pédagogue.

C’est aussi à cette période, nous sommes là en 1988, que j’obtiens mon premier poste d’enseignante, au Conservatoire de Saint-Jean-de-la-Ruelle… »

« Grand Galop ». Crédit photo : Philippe Durville

It. 26 : « Et tu te produisais, déjà ? »

V.G. : « Tu sais, dans ce genre d’études, on joue, en réalité, tout le temps… Petit à petit, je me suis dirigée vers le spectacle musical. Jusque là, je m’étais produite autant en solo, qu’en tant qu’accompagnatrice d’autres musiciens ou chanteurs..

J’ai passé aussi beaucoup de concours, et je connaîtrais mes premières scènes très tôt. Alors, oui, j’étais impressionnée.. mais la passion restait la plus forte..

Je voudrais revenir à mon « métier » d’enseignante… J’ai enseigné le piano pendant 35 ans, et toujours à Saint-Jean-de-la-Ruelle. Dans le Loiret.

A côté des cours individuels, j’ai créé des ateliers piano, regroupant cinq à huit élèves à chaque fois : petits laboratoires de jeux proposant de l’improvisation collective, des inventions, des arrangements musicaux chorégraphiés…

Ce projet, je l’ai mené pendant 30 ans, permettant à chaque fois un bon épanouissement de mes élèves…

J’ai arrêté cette activité depuis deux ans, maintenant. Et j’ai réfléchi à mon évolution, car j’avais beaucoup donné à l’enseignement. Je voulais à présent redonner toute sa place à la musicienne… »

It. 26 : « Tes enfants suivent-ils tes traces ? »

V.G. : « J’ai trois enfants. Deux d’entre eux sont aujourd’hui musiciens.

Valentin, l’aîné, est professeur de trombone. Il a inventé le « pyrotrombone » et il créé des vêtements humoristiques musicaux….

Au Festival de Sedan, en 2024. Valentin Guérin.

Ensuite, il y a Célestin.. qui est trompettiste solo dans l’Orchestre National de Paris.

Je les ai souvent accompagnés, tous les deux. J’ai même passé des concours, avec eux…

Anatole, le dernier de la fratrie, « violoniste à ses heures », a, lui, découvert l’univers de la magie… Et il est aussi professeur de maths ! C’est un vrai passionné de son art, il a assuré un spectacle, pendant trois ans, à la Comédie Saint-Michel de Paris..

Chaque année, pour Noël, j’écris un morceau particulier à cette occasion. Un morceau que nous jouons « en famille ». C’est une habitude que nous avons depuis longtemps, et c’est un vrai bonheur à chaque fois… »

It. 26 : « Et puis, tu es aussi « écrivain »… »

V.G. : « Disons que j’ai co-écrit des ouvrages pédagogiques avec Martine Joste. Et aussi avec la compositrice Annick Chartreux, qui écrit par ailleurs de magnifiques pièces… Au lycée Claude Monet, elle aura été la professeure de nombreux musiciens qui sont devenus aujourd’hui des « têtes d’affiche »…

« Piano Lude » est, au début des années 2000, le premier ouvrage que nous allons écrire « à quatre plumes », car je n’oublies pas Pari Barkeshli dans notre équipe, qui est une pianiste iranienne exceptionnelle…

Ensemble, nous avons travaillé pendant deux ans, deux ans pendant les quels nous nous voyions toutes les semaines, afin de mettre au point cet ouvrage, édité chez « Van de Velde », et qui rencontre un très grand succès.

Nous avions la proposition de mêler la musique contemporaine, et l’improvisation avec de nombreux morceaux de musique de grande qualité.

Line Sionneau est l’illustratrice du livre. C’était une femme extraordinaire, qui a fait un travail considérable, très beau, pour l’ouvrage. Un travail très fin.

Line est restée jusqu’au bout une très grande amie. Nous avions choisi le renard comme animal récurrent pour cet ouvrage…

Et aujourd’hui, sur le terrain de notre maison, il y a un renard… Un signe, peut-être..

Le second ouvrage était une suite logique, titré « Piano Lude 2 »

Et puis, il y a eu « Voyages improvisés » ( avec Annick, seulement ), un ouvrage proposant, tu t’en doutes, beaucoup de possibilités d’improvisation pour les élèves..

Sont nés ensuite ;; « Prélude », « Interlude », et « Epilude », groupant encore bien d’autres propositions musicales pour les trois premières années d’apprentissage.. pour apprendre « avec le plaisir »… et en groupe !

Cette partie « écriture » est un pan important de ma vie…. Et je l’adore. »

It. 26 : « Que dire de ton actualité ? »

V.G. : « Aujourd’hui, je ne fais plus de récitals toute seule. Dans un premier temps, je me suis tournée vers la musique de chambre, mais ce que je développe maintenant, c’est un projet de construction de spectacles musicaux.

Et nous en avons déjà créé beaucoup. Avec, notamment, le comédien Renaud de Manoël – qui nous a quittés aussi, il y a peu .

Je retiens aussi le spectacle « Satie et la belle excentrique », avec en scène une très belle comédienne, Estelle Micheau, qui est aussi chanteuse lyrique. Une « fausse conférence » pour laquelle nous étions trois sur scène, sous la direction de Geneviève Brett.

Le spectacle changeait de visage chaque soir, en fonction des « questions » que le public avait l’opportunité de nous poser – cinq questions par spectacle, pour cinq parties jouées.

Avec Estelle, qui fut une de mes premières élèves en classe de piano à Saint-Jean-de-la-Ruelle, nous avons monté « Opérettes et amourettes », et puis aussi « Philomène et Marguerite à la campagne ».

Pour ces deux spectacles, nous n’étions que deux en scène, sur un mélange texte – chant – piano.

Nous y abordions la condition féminine, l’écologie, le bien-être… des sujets très divers… »

It. 26 : « Et aujourd’hui ? »

V.G. : « Le projet qui me tient à cœur aujourd’hui a pour titre « Le Phoenix de ces dames »…

Le « Phoenix », c’est en fait un piano numérique, créé par Chakib Haboubi, que j’ai rencontré via les réseaux sociaux. Son piano fonctionne avec une batterie, ce qui permet d’en jouer partout, y compris en pleine nature !

Nous allons exploiter ce piano, monté sur roulettes, à trois pianistes, dans un spectacle clownesque, complètement déjanté, que met en scène admirablement Geneviève Brett – qui nous aura bien fait développer notre côté « clown » !

Mais c’est un spectacle très technique, très prenant. Et, crois-moi, il faut être au top !

Nous l’avons joué, pendant quatre mois, au Studio Hébertot. En décembre 2025 et en janvier et février 2026, nous y retournons, pour assurer une représentation par semaine.

Je t’avoue que, pour le moment, ce spectacle est celui qui a été le plus exigeant pour moi. Celui, aussi, qui me pousse le plus loin dans mes retranchements.

Je joue parfois du piano à l’envers… sur du Liszt… face à mes deux partenaires, Lucie Chouvel et Véronique Durville…

C’est une très belle aventure, pour laquelle Sophie Brusha est notre chargée de diffusion, et Emmanuel Delaire, notre régisseur ( il est aussi musicien ).

Et, à côté de ce projet, je me suis engagée aussi dans une autre aventure, en compagnie de deux chanteuses, Clémence Gégauff et Dorothée Thivet. Toutes les deux sont comédiennes et chanteuses lyriques.

Nous sommes donc trois sur scène, dans trois spectacles différents : le premier s’intitule « Ah ! L’amour… » et met en scène trois sœurs célibataires dans l’univers des chansons, des airs d’opéra, ou d’opérettes de la fin XIXe, début XXe siècle. C’est très drôle..

Et puis, il y a aussi le spectacle « C’est si bon », composé de trois sets de chansons, idéaux pour accompagner un repas… Donc, plus on avance dans le spectacle, et plus on est déjantés…

Et le dernier « bébé », c’est « Wanted Marguerite », un opéra comique pour petits et grands, qui s’avère idéal pour initier les enfants au monde de l’opéra…

Marguerite, c’est une princesse qui va s’enfuir de chez ses parents, pour aller vivre en pleine nature. Un détective est chargé de la retrouver, et de la ramener, mais… il va en tomber amoureux.

Au vrai, les enfants sont assez fascinés par l’opéra. Ils sont très attentifs dans ce genre de présentation.

Tant mieux. Ca leur permet d’écouter de belles choses, tout en riant beaucoup !

« Wanted Marguerite » s’avère une source inépuisable pour de multiples conversations…ultérieures…. »

Propos recueillis le lundi 17 mars 2025.

Retrouvez tous les spectacles dans lesquels intervient cette magnifique musicienne sur :

musique-a-voir.com

Crédits photos : Philippe Durville, Sophie Brusha, Valérie Guérin

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