Dans sa voix… tout le charme de l’Arménie..
Elle est arrivée en France il y a six ans seulement. Mais elle s’y est déjà fait une place, et une belle place… Grâce à sa voix, grâce à ses compositions aussi, riches de cette belle musique ensorcelante, qui nous vient d’un pays qui sait ce que le mot « combat » veut dire…
Sa trajectoire en France s’envole, et c’est tant mieux. Car, si elle nous apporte déjà beaucoup, elle a encore un potentiel énorme, et dans plusieurs domaines..

Itinéraires 26 : « Victoria, que peux-tu nous dire de tes débuts ? »
Victoria Alexanyan : « Je suis née à Erevan, en Arménie, une ville dans laquelle je vais rester jusqu’à la fin de l’année 2018… Et, dans ma famille.. aucun artiste ! Personne qui m’aura inspirée…
Je crois que cette passion du chant, je l’ai eue en moi dès ma naissance. Je me souviens que, toute petite, je chantais déjà pour mes poupées, en utilisant un sèche-cheveux pour micro…
Je ne suis jamais allée en école de musique. Ce ne sera qu’après mes dix-huit ans que j’entrerai au Conservatoire d’Erevan. Oui, bien sûr, j’ai regretté d’être rentrée si tard, mais c’était ainsi…
J’entrerai en classe de chant jazz-musiques actuelles mais, curieusement, je vais beaucoup plus apprendre avec le grand pianiste – et chanteur – Vahagn Hayrapetyan, qui a été le professeur, et le mentor, du pianiste-compositeur Tigran Hamasyan. Et ça, en dehors du Conservatoire…
On s’était croisés pendant une jam, et, par la suite, il me donnera des cours.
Au Conservatoire, par contre, j’ai « appris » la musique traditionnelle de l’Arménie..

J’y resterai en tout quatre ans. Et dans mon pays, le diplôme que tu reçois en fin d’enseignement correspond à un Bac + 4 en France…
It : « Et après le Conservatoire ? »
V.A. : « Après ? Je vais encore rester toute une année en Arménie, travaillant dans un tout autre univers pour me faire un peu d’argent, car j’avais la volonté farouche de venir en France. Mes parents, devant ma détermination, étaient bien un peu inquiets, mais ils ne m’ont jamais empêchée d’avancer…
Lorsque j’ai voulu m’inscrire en Conservatoire, ici en France, il ne me restait, en choix, que Lyon et Strasbourg. Je ne connaissais ni l’une, ni l’autre. J’ai finalement opté pour Lyon, et, en novembre 2018, j’intègre le Conservatoire de Fourvière.

J’avais quand même déjà une « petite » expérience, car en Arménie, j’avais eu l’opportunité de me produire déjà, en plusieurs endroits. Alors, c’est vrai que je n’en vivais pas, mais ça m’avait quand même apporté une première expérience intéressante. En arrivant à Lyon, je n’étais pas « novice ».. »
It : «A Fourvière, tu vas faire de belles rencontres… »
V.A. : « Oui.. à commencer par les musiciens qui composent aujourd’hui mon quintet ! Qui était, au départ, un quartet. D’abord, ce sera Vincent Forestier, qui est excellent pianiste, et puis, en provenance de Strasbourg justement, je vais rencontrer le contrebassiste Amin Al Aiedy – Amin joue aussi du oud et du nay, cette flûte du monde arabe, et puis enfin Mathéo Cieslaà la batterie.
Dans cette formation, nous avons beaucoup joué. Et parfois, il nous est arrivé d’inviter la clarinettiste Carole Marque-Bouaret…
Et dernièrement, c’est Yann Phayphet qui nous a rejoints. Comme Yann est contrebassiste, Amin aujourd’hui ne s’exprime qu’au oud, et au nay..
Le groupe, né en 2020, a commencé sa route doucement, mais c’est vrai que, maintenant, il a pris une belle vitesse de croisière…

En 2023, nous sommes même partis en Arménie ? Ce devait être une belle tournée, prévue dans un nombre important de villes. Malheureusement, et à cause du conflit avec l’Azerbaïdjan, nous avons été obligés d’annuler la moitié de la tournée prévue…
Tu sais, l’Arménie n’a jamais vraiment été un pays calme. Ce n’est plus, non plus, un pays « pro-russe », et la « révolution » que l’Arménie a connue, nous étions nombreux à penser que cela allait changer pas mal de choses.
Mais, malheureusement, ça n’aura pas vraiment porté ses fruits…
Je n’y suis pas retournée depuis… »
It : « Parle-nous de tes projets.. »
V.A. : « Bien sûr ! Et d’abord, je vais te dire que notre premier album est en préparation. Nous avons un label, le studio est bloqué… Dans l’immédiat, je suis en pleine phase création…
La couleur de cet album ? Je vais dire « bleu-nuit »… avec un savant mélange de jazz et de musiques arméniennes. Je ne t’en dis pas plus, mais on pourra en reparler le moment venu.
Nous serons dans notre forme « quintet » et il y a de grandes chances que tu trouves sur cet album quelques beaux invités…

Dans mes projets aussi… et dans un autre univers.. j’ai assuré la mise en scène d’une pièce de théâtre – car j’enseigne le chant, et les techniques respiratoires à des comédiens, entre autres, sur Lyon et sur Paris – une pièce qui a été créée au Cours Myriade de Lyon avec les élèves de mon cours de chant. Ensemble, on avait commencé par créer de petites saynettes, et puis, petit à petit, le projet a grandi jusqu’à devenir une véritable pièce.
Je reconnais que c’est une pièce « engagée », dans laquelle on évoque la situation de l’Arménie aujourd’hui, et la possibilité pour elle de perdre des pans entiers de sa culture.
Nous avons donné la « première » l’an dernier, sur Lyon, et cette année, au Théâtre de l’Uchronie, quatre représentations, sur quatre soirs de suite, chaque fois complets…
Il y a dix comédiens sur scène… »
It : « C’est une expérience que tu aimerais renouveler ? »
V.A. : « Oui. Dans l’avenir, j’aimerais bien garder ces deux directions. Car cela me permet de réunir toutes les facettes artistiques que j’aime, la musique, la danse, le théâtre…
J’ai oublié de dire que le personnage principal de cette pièce, Komitas, est interprété par Théo Sieurac – qui a écrit le texte.
Et puis je veux citer aussi Mina Violette Rovidatti, qui a également collaboré au texte, mais surtout pour toute la partie chorégraphie…
Alors, oui, bien sûr, ça m’a donné l’envie de recommencer une telle expérience. Mais c’est une aventure qui demande beaucoup d’investissements. Et si, sur ce premier projet, j’ai mis pas mal de moyens propres, il me faudra sûrement, dans l’avenir, trouver des subventions, ou des partenaires… »

It : « Et côté musique ? »
V.A. : « Avec Amin et Carole, nous avons créé un trio, axé sur les musiques traditionnelles de l’Arménie, « Mardjan »…
Il y a aussi le projet « Dans ma maison », qui est un duo piano-voix, pour lequel je chante de la chanson française. Ce projet existe en fait depuis mon arrivée en France, mais il avait été mis en sommeil… Il va maintenant reprendre vie, et je vais l’assurer en compagnie du pianiste Sébastien Jaudon.
Sébastien a été pianiste à l’Opéra de Lyon, et j’ai eu beaucoup de chance de croiser sa route…
Que te dire encore ? Que je vais commencer un autre projet, dans un style radicalement différent puisque ce sera de l’indie-folk.
Sur ce projet, on trouvera le guitariste Jason Del Campo – c’est un super musicien, qui, en plus, produit beaucoup – et puis aussi Claire days, au chant, à la guitare et aux textes, et Cyril Billot à la basse.
On travaille mes compositions, mais tous les arrangements se font en commun.
On a commencé à travailler un E.P, mais de ça aussi on pourra reparler, quand le moment sera venu…
Tu vois, ce qui m’importe avant tout, c’est ce travail d’équipe qui s’est mis à présent en place, dans mon groupe. Vincent et Amin composent avec moi de plus en plus, et je trouve ça génial. Parce que chacun apporte ses idées librement, sa pierre à un édifice commun, et tout ça crée une osmose très forte. Que demander de plus ?
Propos recueillis le vendredi 20 décembre 2024.
Victoria Alexanyan s’est produite, en août 2024, pendant le Festival « Parfum de Jazz » en Drôme Provençale. Une très belle soirée, pendant laquelle le public présent aura découvert cette très belle artiste, au sein de son quintet..
Alors, que demander de plus ? Qu’il y ait encore beaucoup de concerts de sa part !
Crédit photos : Mikel Nuneton, Atelier Marashyan, Julien Ruphy









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