Artiste passionnée… et passionnante
Geneviève Brett met aujourd’hui en scène, avec talent. Mais ce n’est là qu’une facette de sa personnalité artistique, car elle a approché, et pratiqué, de nombreuses disciplines dans l’expression des Arts…
Et même dans son rôle maternel elle aura reçu « la grâce d’Euterpe » puisqu’elle est la maman de Mélina Tobiana, dont l’aura n’en finit pas de grandir…
Rencontre avec une très belle artiste, qui poursuit sa route en nous proposant encore de très beaux projets….
Itinéraires : « Geneviève, comment ce beau parcours a-t-il commencé ? »
Geneviève Brett : « Mon parcours va commencer dans la ville de Marseille… où je suis née de parents parisiens ! Ils ont migré « au soleil », dans le Midi, pendant une vingtaine d’années…
Mon enfance, je l’ai passée à Toulon, et je dois dire que j’ai connu une enfance heureuse. J’étais le troisième enfant d’une fratrie de quatre…
Chez nous, il y aura toujours eu beaucoup de musique à écouter. Et si mes parents n’ont pas suivi « assidûment » cette voie, ils faisaient malgré tout partie de chorales. Mon frère ainé est mélomane, mon autre frère et ma soeur ont baigné comme moi dans un univers musical…
Et moi ? Eh bien, ma préférence allait plutôt, à ce moment-là, vers la danse, la danse classique natuelle– selon la méthode Isadora Duncan. J’avais une professeure anglaise, Phyllis Drayson, qui m’a beaucoup apporté. Phyllis faisait partie de la méthode Janine Solane dont j’ai suivi les cours pendant des années à Paris.
La danse occupera ma vie de l’âge de cinq ans à celui de vingt. A Toulon, Phyllis louait le Théâtre, et l’Ecole de Danse avait ainsi une très belle visibilité. Je garde d’excellents souvenirs de toute cette période.
Depuis toute petite, j’avais ce rêve en moi… Etre danseuse et chorégraphe.. Mais la vie m’orientera vers autre chose..
Alors que j’ai 12 ans, mes parents vont « remonter à Paris » pour venir s’installer à Vitry-sur-Seine. Et j’avoue que ça aura été un gros choc pour moi.. mais je ne vais pas me décourager pour autant, et je vais très vite suivre des cours de danse chez Janine Solane, deux fois par semaine, accumulant par ailleurs les stages, par ci – par là.
Je ferai aussi beaucoup de jazz et d’afro-jazz au Centre Américain, boulevard Raspail à Paris, qui est maintenant la fondation Cartier pour l’art contemporain.
I : « Mais, du côté « théâtre »… rien en vue ? »
G.B. : « Non. A ce moment-là, le théâtre n’était pas du tout d’actualité pour moi… Pourtant, au Centre Américain, j’aurais eu l’opportunité d’intégrer une troupe…
Après avoir obtenu mon Bac, je vais me diriger vers des études.. de philosophie. Mais c’est une voie que je vais, en réalité, quitter assez vite, après même pas six mois. J’avais la volonté de retrouver la danse, mais dans cette nouvelle aventure, je me suis retrouvée au milieu de personnes qui étaient déjà très avancées, et je me suis très vite rendu à l’évidence que je ne n’aurais jamais le niveau d’une danseuse professionnelle.
Mais J’aimais tellement la danse. J’aimais l’expression corporelle … Que pouvais-je faire d’autre ?
J’ai alors opté pour un stage de mime. Et ça m’a plu. Sur cette voie, deux écoles s’ouvraient à moi : l’école du Mime Marceau, et l’école du Carré Sylvia Montfort – lieu qui est aujourd’hui « La Gaîté Lyrique »..
Je me suis inscrite dans les deux, et j’ai commencé par faire un mois au Carré Sylvia Montfort. C’était le temps que durait la sélection, et, au bout de ce mois, on savait si on te gardait ou pas.. J’ai beaucoup aimé cette façon de procéder. Ce délai d’un mois permet aux professeurs de se rendre compte de beaucoup de choses chez leurs élèves. Chez Sylvia Montfort, le programme était riche : mime, pantomime, cirque, expression corporelle, danse classique.. dès la première année, et la seconde, « l’escrime de théâtre » se substituait à la pratique d’une discipline circassienne.
Margareta Haim – la femme du dramaturge Victor Haim – y était professeure de danse classique. Et c’était une femme formidable…
A l’école du Carré Sylvia Montfort, je ferai mes deux ans. J’avais réussi entre temps l’entrée à l’école Marcel Marceau mais je ne regretterai pas mon choix.
I : « C’est tout un univers qui s’ouvrait à toi ? »
G.B. : « Outre la danse, c’est vrai que j’ai « grandi » dans diverses disciplines, pour « rester dans le mouvement ». Pendant ces deux années, je pouvais vivre mon plaisir six heures par jour..
A l’issue de ces deux années, j’ai accumulé les stages avec les personnalités de l’époque: Philippe Gaulier( école Jacques Lecoq), Etienne Decroux,Claire Heggen et Yves Marc auThéâtre du Mouvement, on était là dans les années quatre-vingts, quatre vingt cinq…
Avec certaines personnes du Carré Sylvia Montfort, nous avons monté des spectacles. J’avais rencontré aussi des membres du Théâtre du Soleil, j’étais admirative du travail d’Ariane Mnouchkine. Ce furent là mes premières rencontres avec le théâtre parlé.
Mais j’approcherai aussi le travail du clown, avec Philippe Gaulier mais aussi avec Philippe Hottier, parti du Théâtre du Soleil… Hottier voulait créer une école, et je travaillerai avec lui dans ce sens…
Je me souviens que la chorégraphe Carolyn Carlson était venue dans notre lieu de répétition à Pantin. Nous étions une vingtaine à chercher, à improviser autour de deux pièces de A.Tchekhov. Joël Pommerat faisait parti de la bande et je suis si impressionnée du grand dramaturge et metteur en scène de théâtre qu’il est devenu…
Mais à cette époque aussi, il se trouve que je me suis retrouvée enceinte de ma première fille, Mélina. Et j’ai voulu faire une pause, et ce sera comme ça pour mes trois enfants. J’ai toujours souhaité leur donner du temps avant tout.
Par la suite, je vais me tourner vers l’enseignement du théâtre, qu’il soit corporel ou parlé. Et aussi vers les spectacles pour enfants..
J’ai travaillé avec le Théâtre d’Île-de-France,le théâtre du mouvement entre autres où j’intervenais en milieu scolaire.
J’avais aussi le statut d’intermittente, et cela m’aura permis de pouvoir choisir mes projets… »
I : « Et la réalisation, comme tu le fais aujourd’hui ? »
G.B. : « Pas encore. Ce sera pour plus tard.. J’aimais le jeu de scène. J’aimais « jouer ». Je passerai des auditions à la Comédie Française, et aussi à l’Opéra Bastille, où je serai danseuse et mime.. Au « Français », je me souviens, avec tendresse, de la pièce « Lucrèce Borgia » – de Victor Hugo – qu’avait mis en scène le regretté Jean-Luc Boutté, et dans laquelle je jouais le rôle d’une courtisane…
A cette période, je verrai éclore de beaux comédiens, comme Eric Ruf – qui est l’Administrateur Général de la Comédie Française depuis 2014, comme Samuel Le Bihan, ou Thibault de Montalembert…
Et puis,comme ma seconde fille Léa était encore trop petite(elle est psychologue aujourd’hui),J’ai mis des choses « en sourdine » dans ma vie professionnelle, j’ai même renoncé à certains projets. Et tu sais, quand ça commence comme ça… cela aura pour effet de me fermer cette porte-là, mais sans que j’ai à le regretter, toutefois..
A ce moment-là, j’étais sur Aubervilliers. Je faisais aussi du chant classique, et j’adorais ça aussi. Même si je n’en ai fait que pour mon plaisir…
Et puis, côté « privé », je vais rencontrer un homme, vivant dans le sud de l’Essonne. Et c’est ainsi que je vais venir m’installer à Méréville, avec, dans mes bagages, un troisème enfant, Gabriel, né en 1999.
Par la suite, à l’école de musique de cette ville, je vais rencontrer Marinette Ioos – qui en était la directrice – et qui avait la particularité de monter un opéra, ou une opérette, tous les deux ans ! Dans son école, mes filles faisaient de la musique, moi du chant… Un jour, Marinette m’écoute.. et va me proposer un rôle, parlé et chanté, dans l’opérette qu’elle voulait monter, « La Belle Hélène » de Jacques Offenbach.
C’était un projet énorme, avec 40 ou 50 chroristes, avec l’Orchestre « Ad Lib » que dirigeait Laurent Goossaert. Sur scène, une réunion parfaite de professionnels, d’amateurs.. sans oublier les bénévoles ! Ce spectacle était chapeauté par l’association « Les Music’Halles », dont Marinette était la présidente, qui, outre la production d’un opéra ou d’une opérette tous les deux ans, proposait aussi un stage d’orchestre chaque année…
Cette aventure m’apportera énormément, professionnellement et humainement. Et va m’ouvrir d’autres portes… »
I : « Nous y voilà… »
G.B. : « « La Belle Hélène » jouée, Marinette va me parler du spectacle qu’elle prévoyait pour l’année suivante, qui n’était rien de moins que les « Carmina Burana » de Carl Orff..
Celle-ci va me demander de l’aider, sur la mise en espace de ce spectacle..
Et c’est comme ça, grâce à ça, que ma « carrière » de mise en scène va vraiment commencer. Une route qui m’amènera un peu plus tard à créer des ateliers théâtre sur Méréville.
Deux ans plus tard, ma première vraie mise en scène sera pour « La Veuve Joyeuse », l’opérette de Franz Lehar.( Nous l’avons quand même joué au Trianon à Paris !) Le début d’une belle série, puisqu’entre 2000 et 2022, je « monterai » un opéra ou une opérette tous les deux ans, en partenariat avec l’association Accords Majeurs à l’ Atrium de Chaville.
A Chaville, je travaillais avec Cédric Perrier, qui était le directeur du Conservatoire de Ville-d’Avray et de Chaville et chef d’orchestre. D’ailleurs, je travaillais, en coproduction, avec Marinette et avec Cédric sur les mêmes projets, et c’était passionnant !
J’aurais ensuite l’opportunité de monter six opérettes d’Offenbach, mais aussi d’entrer dans l’univers de Georges Bizet, en mettant en scène « Les pêcheurs de perles » et « Carmen ».
Ce furent de très belles aventures artistiques et humaines. Chaque fois… »
I : « Que dire, de ton actualité d’aujourd’hui ? »
G.B. : « On va passer sous silence toute la période créée par l’arrivée de la Covid-19, et surtout la façon dont tout cela a été géré… L’arrêt artistique que l’on a connu à cette période-là a nui à beaucoup d’artistes…
En ce qui me concerne, je continuais mes cours de théâtre sur Méréville, et je continuais aussi à monter mes spectacles.
J’ai rencontré des gens formidables, qui écrivent des pièces contemporaines, et je voudrais te citer deux auteurs Essonniens que j’aime particulièrement, à savoir Hervé Laporte, et Laurent Andrieux.
Récemment aussi, avec ma troupe, nous avons joué « La Princesse anglaise », avec la Compagnie des Music’Halles…
Avec d’autres artistes, nous avons créé l’association « Musique à voir », en 2008. Grâce à cette compagnie professionnelle, nous avons pu monter plusieurs spectacles musicaux autour de la musique classique.
Aujourd’hui ? Je me concentre sur deux projets exaltants, alliant théâtre et musique. Des projets très intéressants que je veux porter à bout de bras…
Avec « Musique à voir », d’abord, je mets en scène « Le Phoenix de ces dames », au Studio Hébertot de Paris.
Ce spectacle, nous le jouons tous les dimanches, à 14h30 depuis le mois de septembre jusqu’au 26 janvier 2025. Sur scène, trois pianistes professionnelles se partagent un même clavier… et tout cela dans une ambiance clownesque.
Un spectacle performant auquel je crois particulièrement…

Les trois « musiciennes : Valérie Guérin-Descouturelle, Véronique Durville et Lucie Chouvel. Toutes ont un talent fou…
Et puis je monte aussi « Sur les Ailes de l’invisible », un spectacle dans un tout autre univers sur le thème de « l’infiniment grand, et l’infiniment petit ». Ce spectacle sera donné au Théâtre du Tremplin, au Festival « off » d’Avignon, en 2025….
« Sur les Ailes de l’Invisible » nous recentre sur notre planète Terre, qui connaît aujourd’hui une modification importante de son climat, amplifiée par la folie d’humains bornés et égoïstes…
Le spectacle nous appelle à « ouvrir notre âme » sur l’Invisible, sans doute plus proche que ce que l’on croit.
Ce « montage poétique » écrit et interprété par Brigitte Deruy, avec la violoncelliste Mathilde Sternat et à la scénographie Christel Grévy ne manquera pas d’interpeller le public…
Propos recueillis le vendredi 29 novembre 2024.
Un grand merci à Geneviève Brett qui aura permis le partage d’un très bel échange…
Un mot, encore, sur « Le Phoenix de ces dames »… Ce spectacle a été reconnu par de belles plumes musicales, telle celle de Jacky Bornet de France Télévisions, ou encore dans des articles de Télérama, de CultureMag, de Musicos Magazine, de Singulars – par Patricia de Figueiredo, de « La Revue du Spectacle »… et bien d’autres.
Force est de constater que la teneur de chaucn de ces articles va dans un même sens. Et, à leur lecture, on n’a qu’une envie : celle de courir au Studio Hébertot pour nous faire « happer » par ces six mains d’excellence qui, assurémént, ne nous feront pas regretter notre après-midi….
Itinéraires reviendra, avec plaisir, vers Geneviève Brett pour ses prochains projets.
Elle a aujourd’hui trouvé sa place dans la mise en scène, et elle est très belle..
Crédit photo : Philippe Durville









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