Marie-Sophie Mosnier

Marie-Sophie Mosnier

La passion ? Oui. Le talent ? Sans doute. Mais le travail ? Assurément.

Souvent majestueuse, la musique classique occupe toujours une place prépondérante parmi nos écoutes et nous donne parfois l’opportunité de croiser la route de leurs plus beaux (belles) interprètes…

C’est le cas de Marie-Sophie Mosnier.

Une passion, née très jeune, un talent sûr…et beaucoup de travail, ont amené cette pianiste d’exception tout en haut de son art.

Elle a eu la gentillesse de nous ouvrir ses portes, en Belgique, où elle poursuit sa belle route…

Marie-Sophie, ta route débute-t-elle en Belgique ?

Non. Pas vraiment. Je suis native de Toulouse, une ville très musicale et je suis issue d’une famille mélomane, particulièrement tournée vers les arts.

Petite fille, je me rendais déjà, accompagnée de ma mère ou de mes grands-parents, à différents concerts de musique classique, des récitals de piano, des concerts symphoniques donnés par l’orchestre du Capitole, sans oublier cette très belle scène lyrique toulousaine !

Très tôt aussi, mes parents nous emmenaient, ma sœur, mon frère et moi, visiter des musées, des châteaux, des expositions…toujours avec une vraie appétence culturelle. Ils nous ont offert une éducation où la culture occupait une place centrale et c’est là un cadeau pour la vie.

Et le piano ? C’est un instrument qui m’a très tôt fascinée et j’ai rapidement souhaité apprendre à en jouer. Il y avait par ailleurs un piano chez mes grands-parents maternels et cet instrument m’attirait avec force.

Et quand vas-tu vraiment matérialiser ton envie ?

J’entre à six ans au Conservatoire de Toulouse, d’abord en solfège, puis en classe de piano. Cette première rencontre avec le piano fut le point de départ d’une profonde et vive passion, mais aussi la découverte du jeu pianistique qui s’exprime par un art sensible du toucher, réunissant aussi bien le mental, l’émotionnel que le corporel.

A l’âge de douze ans, je donnais mon premier concert, en partageant la scène avec la contre-alto française Catherine Dagois et le pianiste allemand Edgar Teufel. Lors de ce récital, j’assurais toute une partie soliste, en alternance avec ce merveilleux couple de musiciens. Ce fut là ma première véritable expérience scénique d’importance…

Et puis, tout va s’enchaîner…

Je continue effectivement mon cursus au Conservatoire, tout en bénéficiant d’une intense vie culturelle et musicale (concerts, opéras…). Vers mes seize ans, je suis choisie pour participer à la création d’une œuvre contemporaine, en interprétant sur la scène du théâtre du Capitole, un mouvement du Concertino pour piano et orchestre à cordes du compositeur français Patrick Burgan, accompagnée par l’orchestre de chambre de Toulouse dirigé à cette époque par Alain Moglia. Cette belle et forte expérience d’interprète est aussi venue m’encourager dans cette voie artistique.

Après le baccalauréat, je poursuis mes études musicales à Paris où j’étudie le piano au Conservatoire russe de Paris auprès de Marina Samson Primachenko. En parallèle, je m’immerge au sein des classes d’analyse musicale, d’harmonie et d’histoire de la musique au Conservatoire de Paris et, j’entame un Master en musicologie à l’Université de la Sorbonne Paris IV.

Ce double cursus en qualité de musicienne et de musicologue est pour moi essentiel, il ne pouvait en être autrement. Cette complémentarité musicale de la pratique et de la théorie, mais aussi cette pluralité des approches artistiques contribuaient à nourrir et enrichir ma passion musicale où j’apprenais à aiguiser cette recherche permanente de la lecture musicale, de l’écoute, du toucher, en vue de mieux cerner tous ces multiples langages musicaux.

En effet, chaque compositeur a son propre discours, son propre style, une identité musicale propre qui nous amène à exprimer son œuvre avec justesse, naturel et sensibilité. Jouer Chopin est d’une nature bien différente de celle de jouer Beethoven ou Prokofiev !

La musique classique est une source inépuisable, tant elle se décline par ses répertoires (baroque, classique, romantique, moderne), ses genres (opéras, symphonies, sonates, préludes…), ses formations (orchestre, piano solo, musique de chambre…) et ne cesse de se réinventer à chaque époque.

Et les concerts suivaient ?

En effet, j’ai eu l’occasion de vivre de nombreuses expériences artistiques, tel ce concert conférence autour de F. Chopin, réalisé avec l’écrivain Alain Duault en région parisienne. J’ai également eu la chance d’être pensionnaire au château de Lourmarin en Provence dans le cadre d’une résidence estivale d’artistes, mais aussi de participer à des master classes internationales, notamment avec Anne Queffélec ou Gabriella Torma, en France ou à l’étranger, tout en donnant divers concerts dans des cadres souvent privilégiés (fondations, ambassades, festivals, musées…).

Pour mes vingt ans, j’obtenais le premier prix de piano au Concours Léopold Bellan de Paris et la même année, j’enregistrais également un disque promotionnel.

Où te sens-tu le plus à l’aise ?

Je n’ai pas vraiment de préférence, dans la mesure où chaque expérience musicale est une aventure artistique à part entière. Jouer en solo ou jouer en musique de chambre avec d’autres musiciens sont des postures musicales différenciées où l’écoute n’est pas tout à fait de même nature. L’écoute, associée à la lecture et à la compréhension des partitions se trouvent être au cœur du processus musical, car c’est par elles que provient le geste artistique du musicien, autant de clefs permettant d’ouvrir une palette infinie d’horizons musicaux…

Que ce soit en récital solo, que ce soit en duo, en trio…la musique prend toujours naissance dans le silence, puis elle se meut dans un espace et un temps où l’interprète n’est qu’un passeur entre le compositeur et le public jusqu’à s’éteindre dans le silence…et renaître à nouveau…

Chaque concert est donc une expérience unique ne ressemblant ni au précédent, ni au suivant et offre des émotions des plus variées. La musique est un Art de l’instant, un présent intemporel.

C’est aussi au cours de ces années parisiennes que j’ai eu l’occasion de donner mon premier concert à l’étranger, au Théâtre du château de Chimay en Belgique, ne sachant pas à ce moment-là, que la vie m’amènerait à bientôt y revenir.

En effet, à la fin de mes études à Paris, diplômée de plusieurs Masters, je choisis donc de venir me perfectionner au Conservatoire Royal de Bruxelles auprès de Mikhaïl Faerman (Premier prix du Concours Reine Elisabeth de piano en 1975), ou encore auprès du pianiste Stéphane Ginsburgh. Et j’en sortirai doublement diplômée.

Et en parallèle, tu cumulais d’autres activités…

J’ai eu notamment l’opportunité d’être rédactrice auprès d’un magazine musical belge Crescendo et dans ce cadre, j’ai eu l’occasion de couvrir le prestigieux Concours Reine Elisabeth. Il s’agit là d’un autre volet de mon activité musicale, celle d’une approche musicologique qui permet d’analyser, de comprendre et de vivre la musique dans un autre regard du geste artistique.

A la même période, j’étais professeure de piano dans une école de musique à Waterloo. Waterloo où se trouve précisément la Chapelle Musicale Reine Elisabeth, un lieu d’excellence musicale.

Tout en suivant mon chemin de musicienne, à travers des concerts en France (Toulouse, Paris, Biarritz…) comme en Belgique (Bruxelles, Anvers…), j’entre alors à l’Académie des Arts de la Ville de Bruxelles, en qualité de professeure de piano. Ma classe de piano accueille aussi bien des élèves enfants, adolescents et adultes, ce qui constitue une grande diversité et une vraie richesse, dans la mesure où l’approche, le discours et la pédagogie ne peuvent pas être semblables face à ces publics variés de niveaux différents.

Être dans la transmission du piano, c’est aussi vivre et partager autrement ma passion musicale. L’énergie artistique de la musicienne vient alors s’équilibrer avec l’énergie de la pédagogue, dans un processus de recherche continue et perpétuelle.

A ce jour, j’encadre une cinquantaine d’élèves au sein de plusieurs implantations de l’Académie des Arts de la Ville de Bruxelles. Et parmi mes élèves, il m’est en effet arrivé d’en découvrir certains talentueux que j’ai encadrés avec élan et joie. Le talent est une chance, mais il ne suffit pas…il n’y a nul secret en musique, sans travail régulier, le talent s’essouffle rapidement…

Quid, de tes prestations récentes ?

Dans le cadre d’une co-production du théâtre de Namur, de Louvain-la Neuve, de Foix et du Mans, j’ai travaillé avec l’auteur et comédien Yvain Juillard pour son spectacle Christophe Quelque Chose. Une collaboration passionnante où l’univers musical pianistique prenait place au sein de la création d’une pièce de théâtre à travers des enregistrements de piano choisis que j’ai réalisés au théâtre de Namur. Cette rencontre artistique m’a conduite d’une certaine manière à me déplacer de ma posture pianistique habituelle afin de répondre au mieux à la dramaturgie de cette pièce.

Par la suite, avec ma sœur Mathilde, comédienne, nous avons co-écrit L’affaire Chopin, un spectacle qui allie musique et texte à travers le récit d’une histoire dont la musique de Chopin en est le personnage principal. Nos diverses représentations en France (Gap, Toulouse, Paris, Auxerre) ont chaque fois été accueillies avec succès et enthousiasme et j’espère que ce spectacle prendra bientôt vie à Bruxelles…

Par ailleurs, je suis également invitée prochainement en Auvergne pour divers cycles de concerts…

Enfin, j’ai créé depuis l’été dernier Intervalles, un laboratoire de création dont le vecteur principal est le piano. Le concept de ce collectif est d’associer des réflexions pluridisciplinaires à des réalisations scéniques mêlant les différents arts, dans une dynamique continue de dialogue interartistique. En d’autres termes, c’est travailler sur comment entendre ou faire sonner et résonner les arts visuels, comment regarder ou faire voir les arts sonores, comment toucher ou faire sentir les arts de la parole ?

En tant que musicienne, il m’importe de m’inspirer de grandes figures pianistiques que j’affectionne particulièrement, telles Clara Haskil, Marguerite Long, Marcelle Meyer, qui ne cessent à la fois d’élever comme d’interroger l’art de l’interprétation du piano, mais il m’est également essentiel de questionner de manière continue le geste artistique qui est le mien à travers mes différents projets artistiques.

Propos recueillis le vendredi 8 novembre 2024.

Ce fut un très beau moment d’échange. « Itinéraires 26 » avait déjà ouvert ses colonnes à Mathilde – vous pourrez lire son entretien sur le site. Outre leurs talents respectifs, Marie-Sophie et Mathilde partagent une empathie extraordinaire et une gentillesse de tous les instants.

Et ça n’a pas de prix…On les aime toutes les deux pour ça aussi.

Crédit photo : MS-M

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