Chet Baker au féminin ? Et pourquoi pas !…
Elle est une « voix », assurément. Elle a su se bâtir une route solide, entre lyrique, classique, chanson française et jazz. Et sûrement plus, quand affinités…
Son dernier projet en date est un hommage. Un projet dont on n’a sûrement pas fini d’entendre parler, qui fera très certainement remonter des tonnes d’émotions chez beaucoup…
Itinéraires : « Maryline, cette belle route.. où naît-elle ? »
Maryline Dumont : « Elle commence à Montauban, la ville qui m’a vue naître, oui. Mais une ville aussi que je vais très vite quitter, tout simplement parce que mon père était militaire, et, à ce titre, « bougeait souvent ». Et nous, les enfants, aussi, forcément. Et c’est peut-être quelque chose – je parle là d’une sorte d’enracinement – qui me laissera, pendant un temps, quelques regrets…
Donc, tu vois, je ne suis pas née de parents artistes – ma mère était infirmière..
Mais en revanche, mon père, et ma grand-mère, chantaient beaucoup à la maison, et notamment pour moi ! Une anecdote, sur ma grand-mère, qui mérite d’être dite. Elle avait été choisie, pendant une sorte de concours de son époque, pour être la doublure de Shirley Temple… Mais il lui aurait fallu partir pour les Etats-Unis, et à cette époque, c’était plus compliqué qu’aujourd’hui. Donc, et malheureusement pour elle, ça n’a pas été plus loin…
Si mes « influences » ne me sont pas venues de mes parents, en revanche, elles le seront par les parents de ma meilleure amie, alors que nous avons sept ans. Ils étaient anglais, et ils avaient décidé de venir vivre leurs vies d’artistes en France… Leurs vies de peintres, avant tout, car Jeff et Sally Stride sont des impressionnistes. Je rencontrais, chez eux, une liberté artistique que je n’avais pas chez moi. En plus, comme Jeff jouait du violon et Sally du piano, il y avait toujours chez eux toutes sortes de « boeufs ». Chez eux, tu écoutais du jazz, mais aussi les Beatles… Et moi, du haut de mes sept ans, je découvrais cette vie d’artistes et je chantais parfois avec eux… Mais je chantais bien avant ça, toute seule dans ma chambre… Et à force, mes parents ont dû repérer ma voix…
Je dois dire aussi que le chant aura aussi permis de me faire dépasser une certaine forme de timidité chez moi…
Mon frère, s’il maîtrise le piano et la guitare, et ma sœur le chant, n’en ont pas fait une profession. Mais ça ne nous a pas empêché de nous éclater ensemble.

I : « Du coup, une école, pour toi, ça coulait de source… »
M.D. : « Je dois dire d’abord que mon père, comme ma mère, m’ont toujours soutenue dans mes choix. Et oui, une école de musique, c’était une suite logique, et je vais entrer à l’Ecole de Musique de Cahors, en classe de solfège, et en classe de chant. J’aurais, par la suite, des profs particuliers aussi…
Et dès le début, j’ai découvert que j’avais « une voix pour le classique »… En réalité, j’avais en moi « les deux » – l’autre étant la voix pour la variété…
Parce que petite, j’adorais la variété, et de façon éclectique, entre Elvis Presley, les Beatles, Marylin Monroe… J’ai adoré ça très tôt…
Mais cette voie « lyrique », je vais la continuer, avec différents professeurs…
Et puis, après Cahors, ça va être « direction : Paris ! ». J’avais treize ans. Dans la capitale, je vais arrêter le « lyrique », je conservais grâce à des profs particuliers le « classique » et le chant. J’ai eu la chance, dès mes treize ans, de faire des « premières parties », et même aussi une télévision, dans l’émission « Chacun sa chance » que présentait à l’époque Dorothée. Mais bon, ça ne m’a pas laissé, non plus, un souvenir impérissable… Mais il faut dire que, ce jour-là, j’avais un trac terrible…
Par la suite, je vais gagner quelques tremplins de chansons françaises.. et puis je commençais aussi à écrire mes propres textes. Je reconnais humblement que je commençais même à être un peu connue. Puisque Jean-Paul Cara, qui a écrit « L’oiseau et l’enfant » pour Marie Myriam, voulait m’écrire une chanson !
Mais juste avant que cela ne se réalise… mon père est muté en Corse ! Et nous sommes arrivés à Ajaccio, où il fallu que je m’adapte… »
I : «De quelle façon ? »
M.D. : « Déjà, j’ai arrêté le chant classique… seuls les petits concerts de chansons françaises perduraient. Je faisais aussi du mannequinat… Cette période corse va durer quatre ans, et j’ai adoré vraiment cette période. Du reste, j’adore toujours la Corse, et, tu vois, je ne suis pas loin de penser que ces années ont peut-être été les plus belles de ma vie…
Mais, après ces quatre ans, nous sommes revenus sur le continent. Lorsque j’ai eu mon Bac, j’ai eu envie de partir.. à Londres, pour apprendre l’anglais, mais aussi pour écouter d’autres musiques !
Pendant cette période londonienne, j’ai fréquenté énormément de clubs de jazz. J’aimais beaucoup Ella, et aussi pas mal de voix masculines, mais pas forcément les voix « fortes »…
Mais, même si je m’immergeais dans la jazz, ou le rock-folk, je gardais quand même au fond de moi mon amour pour la chanson française… »

I : « Et après cette période « british » ? »
M.D. : « Eh bien retour en France, et plus précisément à Marseille, ville dans laquelle je vais entrer au Conservatoire, et où je vais renouer le lien avec le classique, grâce à mon professeur, Tibère Raffalli, qui m’a accompagnée pendant quelques années.
Mais, à côté de ça, mon univers dans la chanson française était toujours aussi présent… en cachette, quand même, car ça naurait pas été bien vu !
Et je continuais à écrire, et à composer… Tu sais, j’ai perdu ma mère assez tôt, et je crois que sa mort a guidé ma main, dans ce domaine. Tout comme, dans une dimansion plus gaie, la naissance de ma fille Elisa…
Sur mes textes, je m’accompagne souvent au piano…
Après le Conservatoire, que faire ? Embrasser la vie des chanteuses classiques, c’est-à-dire partir pendant huit mois à l’étranger, au grand dam de ta famille, ou alors .. assurer ma vie personnelle, et « faire autre chose » ? Les échos que j’avais, de la première solution, ne me donnaient pas envie…
J’ai donc opté pour suivre ma propre voie. A Marseille, je vais rencontrer celui qui aura été l’agent de Michel Petrucciani, et aussi de Dee Dee Bridgewater, je veux parler de Bernard Ivain. Bernard est « tombé amoureux » d’une de mes chansons, « Le divan ». Et il a tout de suite cru en moi. Malheureusement, il se préparait à prendre sa retraite… Il est tout de même resté mon « manager de coeur »
J’ai gardé une grande affection pour Bernard. C’est lui qui m’a fait découvrir Chet Baker, et pas seulement sous sa facette de trompettiste, celle que l’on met toujours en avant… En l’occurrence, il me l’a fait découvrir en tant que chanteur.
C’est simple, pour Bernard, j’étais « Chet au féminin ». Et tu comprendras que ce jugement était très encourageaunt pour moi ! … »
I : « Mais tu as connu d’autres belles expériences, aussi… »
M.D. : « Quelques belles rencontres, c’est vrai. Comme lorsque, à vingt-quatre ans, je fais les « Rencontres d’Astaffort », avec Francis Cabrel qui m’écoute chanter. Ces « Rencontres », ce sont, en fait dix journées pleines pendant lesquelles tu ne fais qu’écrire, et composer…
Plus tard aussi, alors que j’ai mis en ligne « La berceuse d’Elisa », Thomas Dutronc me contacte sur Myspace… et me demande si j’en ai écrit d’autres ! Sur le moment, je ne donne pas suite. Je ne suis même pas certaine que c’est lui qui écrit !
Mais un mois plus tard, je vais aller faire un concert en Corse, et là… je rencontre Thomas.. qui vient me féliciter et, de fil en aiguille, on parle de notre échange de messages. De là est née une belle amitié, et depuis, Thomas m’a toujours encouragée à écrire.. et à dépasser les barrières inutiles que je me mettais moi-même !
Encore aujourd’hui, c’est volontiers que je vais faire des « bœufs » musicaux à Paris avec lui…
Ecrire pour les autres ? J’avoue que ça me plairait beaucoup. Peut-être un jour ?…
Mais ce qui est sûr, c’est que je continue à être super exigeante avec moi-même !… »
I : « Et côté groupes ? »
M.D. : « A Marseille, j’ai créé le « Maryline Dumont Quartet », qui pouvait parfois évoluer en quintet. Avec Marc Cicero au piano, Nicolas Hostaléry à la guitare, Willy Walsh à la batterie et Philippe Gallet à la contrebasse…
Et c’est vrai que ce groupe a bien tourné pendant quelques années…
J’ai aussi formé un duo de sopranos lyriques, « Canta Diva », avec la talentueuse Stéphanie Portelli. Nous étions accompagnées par le pianiste Frédéric Isoletta. C’était du « cross-over », du classique mélangé à d’autres musiques.. un spectacle, en tout cas, très physique ! Pendant la vague Covid, nous avons même fait « The Voice » où nous avions été sélectionnées par Florent Pagny…
Entre ces deux expériences, je me suis vraiment régalée. Et à cela, je rajoutais parfois aussi quelques récitals classique-opéra-mélodies françaises… »

I : « Et enfin.. retour aux sources… »
M.D. : « J’ai, c’est vrai, quitté Marseille pour revenir dans ce Sud-Ouest qui m’a vu naître… et là, je vais retrouver Benjamin Barria, un excellent pianiste que je connaissais déjà depuis longtemps…
Ensemble, nous allons faire des récitals classiques, nous allons composer… et puis, nous avons créé cet hommage à Chet Baker, « To Chet with Love »..
C’est un duo piano-voix où l’on reprend quelques-uns des standards qu’a pu jouer, et chanter !, Chet Baker.
Sur ce projet, j’étais très attentive à la mélodie. Tu trouves aussi dans ce spectacle, une chanson écrite par Chet lui-même, « The party is over », ainsi que quelques compositions…
Tu sais.. je ne remercierai jamais assez Bernard Ivain pour m’avoir placée sur cette voie de Chet Baker. Je me régale vraiment à chanter tous ces titres…
Tu as compris que j’écrivais toujours mes compositions personnelles, et, depuis cette année, je donne quelques heures comme professeur de chant au Conservatoire de Montauban. Et j’aime transmettre…
Mais dans l’immédiat, je mets toute mon énergie à porter ce projet « To Chet with love » sur les scènes de jazz françaises.. voire hors des frontières. Ce musicien nous a tant apporté…
Propos recueillis le mardi 29 octobre 2024.
J’ai eu le plaisir d’écouter quelques extraits de « To Chet with Love ». Je ne doute pas de la réussite du projet.
Et on va suivre ta route avec d’autant plus d’attention…
Crédit photo : Luigi Rome









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